Jour de pluie

Depuis quatre ans qu'elle avait dû s'installer à Pré-au-Lard pour raisons d'études, Claire Scott était devenue une habituée de la crêperie du village. Elle n'avait plus besoin de consulter la carte, car elle connaissait celle-ci sur le bout des ongles (rongés), et l'adorable couple d'une quarantaine d'années qui tenait le restaurant savait qui allait apparaître dans le champ de vision lorsqu'il entendait un jovial et alléché: "Hmmm, qu'est-ce que ça sent bon!".
Ce samedi-là, justement, Claire passa une fois de plus le seuil de la crêperie, comme tous les samedi et tous les autres jours de la semaine, vêtue d'un jean sombre et serré, de Dr Martens vernies et d'un pull à la teinte prune foncée, décolleté dans le dos et sur la poitrine. Ses cheveux bruns étaient collés à son visage toujours aussi clair par la pluie (*De la pluie, en mai!) , son léger maquillage commençait à dégouliner sous ses yeux, et ses vêtements ressemblaient à une éponge malgré le long manteau noir dont la jeune fille venait de faire l'acquisition. Elle s'ébroua d'un coup sec, et s'apprêtait à lancer "Hmmm, qu'est-ce que ça sent bon!", quand elle remarqua le visage figé du commerçant.

"Qu'est-ce qu'il y a, monsieur?
-Oh, miss Scott, ce ... ce sont les ... ces infâmes Mangemorts! Ils sont venus hier soir, une heure après votre départ, et ils ... ils ont ... ma femme ... elle ... "

Claire détourna ostensiblement la tête. Elle savait parfaitement ce qu'avaient pu faire les Mangemorts. Ils l'avaient sûrement attachées, puis Scylla Willing l'avait assurement violée, après quoi sa soeur Charybde l'avait tout aussi sûrement torturée jusqu'à ce qu'elle soit rassasiée. Avec un peu de chance, ils lui avaient laissé la vie sauve.
Claire savait tout cela, car elle était amie avec ses camarades de Slytherin, dont une partie était destinée à reprendre le flambeau des Malfoy et des Willing. Elle ne donnait pas son avis sur la question. Elle se fichait des revendiquations des Mangemorts, et tout autant des pleurnichages du commerçant. Ce qu'elle voulait, c'était se réchauffer le corps avec des crêpes, un bol de cidre, et elle refusait qu'on s'épanche sur son épaule déjà bien mouillée. C'était ainsi que tout Hogwarts la connaissait, et elle ne changerait pas.

"Une double crêpe au froment, beurrée, sucrée, avec de l'ananas et du caramel, s'il vous plaît.
-Oh, miss Scott, mais je n'assure pas le service aujourd'hui. Vous savez, avec ma femme qui ... elle ... je ne peux pas ...
-Vous êtes commerçant, non? Et je suis cliente. Habituée, qui plus est. L'argent que je dépense chez vous vous servira à soigner votre femme, donc servez-moi cette crêpe.
-Soigner ma femme? Mais, miss Scott ... Elle ... Ils l'ont tuée ..."

*Et alors, vieux chialeur? J'ai faim, c'est tout ce qui m'intéresse. Tout le monde s'en foutait, de ta femme. Sa mort n'intéressera personne, si ce n'est toi.*

Exaspérée, Claire soupira, se cala au fond de sa chaise et croisa les bras, fixant le commerçant d'un regard noir.

Isabelle se promenait sous la pluie de Mai qui tombait sur Pré-au-Lard. Contrairement à la plupart des personnes, elle ne se baladait pas avec un parapluie et un imperméable mais au contraire sautait à coeur joie dans les flaques qui se présentaient à elle. La jeune fille adorait la pluie, elle se prenait pour une grenouille et donc quand il pleut et qu'il mouille c'est la fête à la grenouille. Isabelle n'avait rien de particulier de prévu pendant sa petite promenade, elle faisait plutôt passer le temps ne sachant pas quoi faire enfermée chez elle, 212, Graniers Avenue.
Tandis que la jeune fille se contemplait dans l'une des flaques d'eau une odeur alléchante vint lui chatouiller les narines. Elle n'eut pas besoin de relever la tête, cette délicieuse arôme venait de la Crêperie, elle en était sure.

*Miam*

Isabelle fit apparaitre un petit sourire sur son visage, elle n'allait pas souvent s'aventurer dans ce coin là sachant très bien qu'il s'y trouvait une crêperie. Oui, il fallait absolument éviter les endroits où elle pouvait y trouver des gourmandises car elle faisait un régime pour perdre un peu de ventre et donc aucune petites friandises n'avaient le droit de passer le seuil de sa bouche, non, non, il ne fallait pas se laisser tenter par le moindre bout de gâteau, de chocolat, des glaces ni même de crêpes... Crêpes, qu'est ce qu'elle adorait ça...

* Non tu sais bien qu'il ne faut pas.
- Un régime, n'importe quoi, ce n'ai pas une (ou deux?) crêpes qui va te faire grossir.
- Non, non, non, résister à la tentation il faut.
- Allez, juste un ptit bout, une crêpe... *

Pfff, ce combat ne servait à rien elle savait bien qu'elle n'arrivait jamais à résister aux gourmandises, c'est peut être pour ça que même si son régime avait commencé depuis deux mois elle n'avait pas perdu même 100g. Ah là là, Isabelle n'attendis pas une seconde de plus et se rua dans la crêperie. Le sourire qu'elle portait sur le visage se perdit tout de suite en voyant l'homme et sa tête de déterrer. Mais qu'avait-il? Il manquait de client? C'était peut être la pluie qui le rendait dans cet état... Isabelle jeta un rapide coup d'oeil à la jeune fille qui se trouvait à une table et qui attendait apparement l'air furieuse. Une jeune fille brune, cheveux mi-longs, le visage pâle comme du linge... Malgré son maquillage qui avait coulé et ses cheveux tout mouillés, collés et son air furieux Isabelle pût reconnaitre Claire, Claire Scott qui se trouvait à Serpentard. Les deux jeunes filles ne se conaissait pas trop, même pas du tout, Isabelle conaissait seulement son nom et avait parfois entendu parlé d'elle.
Isabelle alla à la rencontre du commerçant et commanda une crêpe au citron, toute simple mais celle qu'elle préférait. L'homme ne répondit pas et Isabelle répéta sa commande avec un sourire mais se coup ci le commerçant se mit à pleurer tout en reniflant avec un bruit dégoutant, presque à vous enlever l'envie de manger des crêpes. La jeune fille fit une grimace, mais qu'avait-il? Il devait vraiment allé mal le pauvre, surement un coup des Mangemorts, il n'y avait qu'eux qui rendait les personnes de Pré-au-lard aussi tristes. Isabelle soupira et se retourna vers Claire en lui posant un regard interrogateur.

[Ne considère pas mon message comme étant ce que je pense, bien sûr, j'ai juste décidé de me jouer sous mon côté salope.] <- Ca, c'est un geste que je fais tout le temps avec mes nunettes, hihi.

Toujours vissée sur son siège, Claire entendit le petit tintement de la porte qui précédait un nouveau client. Après un dernier regard furieux à l'intention du commerçant, elle tourna légèrement la tête pour voir qui venait d'entrer.
Aussitôt, son petit dique dur personnel se mit en marche.


* Nom: Price
Prénom: Isabelle, communément appelée Isa
Age: 14
Année: Troisième
Maison: Hufflepuff
Signes particuliers: Folle, gentille, sérieuse.

Conclusion Scottienne: A éviter. *


Claire connaissait tout le monde à Hogwarts, strictement tout le monde; élèves, professeurs, personnel. Elle était au courant de leurs antécédents familiaux, scolaires, judiciaires, et ce même si elle ne leur avait jamais parlé. Isabelle Price était tout ce qui l'énervait; pourquoi être gentil? Pourquoi faire ami-ami avec les autres? Les autres, c'est une calamité. L'enfer, c'est les autres, comme disait un certain J-P.S.
Donc, miss Scott n'avait aucune raison d'être amicale avec miss Price, d'autant plus qu'elle n'était jamais amicale. Avec personne. D'ailleurs, elle ne lui avait jamais parlé, à Isabelle Price. A raison.
Cependant, une petite idée sadique qui venait de germer dans son esprit pûrement Slytherinien lui indiqua la marche à suivre.
Tout sourire, Claire se retourna totalement, et sentit son cerveau machiavélique s'affoler encore plus quand elle remarqua le regard interrogateur d'Isabelle posé sur le commerçant pleurnichant.
Avec un grand regard innocent, elle lança à haute voix:

"Oh, bonjour Isabelle! Je vois que tu te demandes aussi ce qui se passe! Je ne comprends pas; cet homme refuse de me servir une simple crêpe, sous prétexte que sa femme a été, pff, tuée par des Mangemorts! Franchement, voilà bien la raison la plus minable que j'ai entendue jusque là de la part de quelqu'un qui ne veut pas travailler, tu ne trouves pas?"

Claire retint à grande peine un gloussement vicieux en voyant le regard sidéré d'Isabelle et en entendant redoubler les sanglots du commerçant.